Il nous est arrivé une bien étrange aventure durant ce voyage ! Une aventure qui aurait pu tourner à la catastrophe, car elle aurait signifié la perte de plusieurs mois de travail, notamment en termes de recherches graphiques. Egalement la perte de toutes nos photos, vidéos de repérages durant nos voyages à la campagne avec Stéphane. Tous ces moments uniques, passés avec des gens qui ont eu l'immense générosité de nous parler un peu d'eux, de partager avec nous leur passé... tous ces moments seraient partis en fumée. Cela aurait enfin signifié une perte financière non négligeable (un bon millier d'euros au moins). Un énorme coup dur dans la progression du film.
En effet, au cours du voyage, les ordinateurs portables de Michaël et Magali nous ont été volés. La palette graphique de Michaël également. En somme, une bonne part des outils de travail les plus importants de ce voyage.
Michaël avait transféré et sauvegardé régulièrement photos, vidéos prises pendant nos voyages à la campagne, sur son ordinateur portable. Ceci afin de vider les cartes mémoires de ses appareils photos numériques pour pouvoir prendre le maximum de choses. Il avait tenté plusieurs fois (en vain) de transférer ces fichiers sur internet. Mais les connexions wifi ne sont guère satisfaisantes dans les hôtels cambodgiens... Il n'avait donc pas pu réaliser de sauvegardes ailleurs en cours de route.
Alors ce samedi 21 janvier et ce dimanche 22 janvier 2012, veille de l'année du dragon, nous avons bien cru tout perdre en un claquement de doigts. Par excès de confiance.
Le lundi 16 janvier, nous avions fait appel à la société
http://www.lyna-carrental.com/ pour louer un 4x4. Ceci afin que nous puissions, tous les 4, faire le voyage dans les villages à la campagne. Les routes terreuses, voire boueuses que nous devions emprunter n'étaient praticables qu'avec ce genre d'engin.
La société nous avait semblé sérieuse, avec des tarifs qui nous semblaient compétitifs (on nous avait fait un forfait journalier qui devait comprendre l'essence)... On était par ailleurs en urgence : il fallait à tout prix trouver un moyen de locomotion pour le mercredi qui venait. Les dates ne pouvaient pas être changées compte tenu de l'organisation de notre voyage et des disponibilités de Stéphane.
Nous avons ainsi commencé à rouler le mercredi avec un chauffeur, nommé "Canon"(douce ironie), un type très souriant... aimable et réservé, roulant très prudemment. A bord de notre Mitsubishi Montero, nous nous sommes sentis en confiance.
La première déconvenue a été lorsque le chauffeur nous a annoncé que l'essence n'était pas comprise dans le forfait. Après un coup de fil téléphonique un peu tendu de notre part, il s'est avéré que l'agence n'avait pas été assez claire dans son discours. Nous avons donc dû puiser un peu plus de notre cagnotte pour payer tout ça.
Pour la suite du voyage, il n'y a pas eu de problèmes particuliers, hormis un 4x4 souvent paresseux sur la climatisation et faisant un bruit un peu étrange. Le chauffeur nous semblant sympathique, nous l'avons invité à déjeuner pour le dernier jour (chose que nous n'avions aucune obligation de faire : il était compris dans le forfait que le chauffeur devait se débrouiller pour ses repas et logements durant le voyage). Il s'est ouvert assez naturellement à Denis en lui parlant khmer. Tout allait pour le mieux.
Au retour de Phnom Penh, nous avons déchargé nos bagages et nous sommes rentrés à notre appartement. Dix minutes plus tard, nous réalisions que dans nos bagages manquaient une sacoche.
Celle qui contenait les ordinateurs de Michaël et Magali, ainsi que la palette graphique.
Affolés, Michaël et Magali sont retournés à l'agence de location pour vérifier qu'il n'y avait pas d'oubli dans le 4x4. Ils se sont également demandés s'ils n'avaient pas pu oublier cette sacoche dans un hôtel à Battambang... Mais cela restait très peu probable, ils étaient quasi sûrs de l'avoir chargé dans la voiture. Alors où pouvait bien être cette fichue sacoche ?
A l'agence, Michaël et Magali ont fait face à un Canon au bord des larmes, car engueulé par son patron et quasi certain de perdre son emploi pour cette perte. En effet, on a appris seulement à ce moment-là que le verrouillage centralisé du 4x4 fermait les portes... mais pas le coffre. De plus, l'alarme ne se déclenchait non pas à l'ouverture du coffre... mais seulement à sa fermeture ! Le véhicule, laissé sans surveillance à plusieurs reprises (notamment lorsque nous avions invité le chauffeur à déjeuner) a ainsi pu être volé par l'arrière... Il s'avère que le chauffeur savait ce détail mais l'avait "oublié" pendant le voyage ! L'agence, elle, prétendait ne rien savoir.
Michaël et Magali se sont bien évidemment énervés. L'agence dans son ensemble était responsable de cette perte : il fallait au moins un dédommagement, même symbolique, pour une telle incompétence. Mais le patron a reporté toute la faute sur son chauffeur et a refusé d'endosser la moindre responsabilité. Michaël et Magali sont ainsi rentrés à l'appartement dépossédés d'une partie de leurs biens. Et du travail effectué pour
Funan.
Nous avions cependant de la peine pour Canon qui, malgré son incompétence, ne nous paraissait pas coupable : il s'était montré professionnel sur tous les autres aspects du voyage, bienveillant et inspirant la confiance. Aussi, voyant qu'il pouvait être menacé de perdre son emploi, Denis a finalement rappelé l'agence pour leur demander de ne pas renvoyer Canon : il a souhaité qu'il soit son chauffeur pour des voyages à venir. L'agence a répondu que ce n'était pas la première fois que des gens se plaignaient de Canon. Mais nous avons quand même insisté pour prendre sa défense.
Nous avons passé un dimanche assez pénible et douloureux, prévoyant un nouveau voyage pour recollecter des images, des vidéos qui serviraient de référence pour le film. Pour tenter de retrouver ce que l'on avait pu perdre. Cependant, nous étions si tristes d'avoir perdu ces souvenirs uniques, exceptionnels. Il nous restait une semaine à passer à Phnom Penh pour essayer de finir ce que l'on avait commencé. Mais le coeur n'y était plus.
Ayant eu vent de l'affaire, le père de Denis, vivant à Phnom Penh, a aussitôt appelé l'agence de location de véhicules et le chauffeur pour les menacer, tour à tour. Pour lui, cela ne faisait aucun doute : soit l'un, soit l'autre, soit les deux étaient responsables de ce vol des ordinateurs. Ayant quelques relations dans la police, il a donc fait pression, menaçant d'une perquisition dans leurs locaux...
Le lundi arrive, jour de la nouvelle année du dragon. Michaël a appelé Monsieur Chheng, un de nos contacts à Phnom Penh, ayant pas mal de relations au Cambodge car ayant travaillé pour le gouvernement. On lui a demandé, très simplement, comment porter plainte dans ce pays... Michaël s'est ainsi retrouvé à raconter toute l'histoire des vols. Monsieur Chheng a alors promis de nous voir l'après-midi même pour discuter de tout ça.
Ensuite, Canon nous a appelé. Il voulait nous voir pour nous parler...! Nous ne savions guère à quoi nous attendre. On a même imaginé que Canon avait perdu son emploi et qu'il venait pour des représailles... On se disait aussi qu'il allait nous ramener des ordinateurs bas de gamme, trouvés ailleurs, en guise de compensation.
Nous l'avons donc retrouvé dans notre petit QG aux serveuses plus qu'incompétentes mais situé au pied de notre immeuble, le Green Park. Assis, souriant, le charmant petit bonhomme nous a annoncé qu'il avait une bonne nouvelle. Là, il a sorti une sacoche – pas celle que nous connaissions, une autre. Nous l'avons ouverte... et les ordinateurs étaient là. Avec la palette. Petit détail : il manquait juste le stylet lié à la palette graphique.
Ahuris, hébétés, soulagés. Nous ne croyions plus pouvoir retrouver ces objets un jour ! Tous les documents de travail, tous ces témoignages précieux de notre voyage, tous nos documents de référence pour la suite, tous retrouvés, d'un seul coup. Après avoir cru que tout avait été perdu à jamais. Les larmes n'étaient pas loin.
Là a commencé la grande parade de Canon, qui nous a raconté comment il a roulé 6h en bus jusqu'à Siem Reap. Il connaissait bien un petit gamin, qui l'a sauvé une fois d'un accident de moto. Ce gamin, il l'a revu quand il a fait le plein à Phnom Penh sur notre voyage de retour. Le reconnaissant, Canon lui a offert un coca... et lui a dit de se servir dans le coffre. Ce serait à ce moment-là que le gosse aurait profité de l'occasion pour voler la sacoche. Et pour partir ensuite à Siem Reap.
Les appels de flics auraient interpelé Canon, qui aurait tout de suite pensé à ce gamin et serait donc parti faire le voyage... Il aurait par bonheur récupéré nos affaires là-bas ! Ah le brave sauveur. En nous restituant nos affaires, il nous a demandé :
- que les polices cessent leurs recherches,
- qu'on lui rembourse le prix du voyage pour Siem Reap (soit disant 20 dollars alors que nous savions qu'il n'en coûtait que 5) et la journée de travail qu'il avait perdue pour aller là-bas chercher nos affaires (20 dollars de plus).
En somme, notre charmant héros voulait qu'on le "récompense" pour ses "efforts". Denis a fait habilement remarquer à Canon qu'il devrait plutôt demander compensation au soi-disant gamin voleur... C'est bien de sa faute à lui s'il a perdu ce temps et cet argent à récupérer les ordinateurs !
Bref, toute cette histoire ne tenait absolument pas la route : cette histoire de gamin ayant pioché dans le coffre est très peu probable (à la station service, la plupart d'entre nous était restée dans la voiture et nous n'avons pas vu de gamin ouvrir le coffre pour se servir en boisson), le patron de l'agence nous a ensuite dit que Canon n'était pas du tout parti à Siem Reap et avait assisté à une réunion de travail la veille.
En somme... Il ne faut effectivement faire confiance à personne. Nous avons aussi déduit que les appels du père de Denis avaient dû faire leur petit effet sur tout le monde.
L'après-midi, pour finir, nous avons bu un coup avec Monsieur Chheng. Cet homme généreux et souriant nous a très simplement expliqué qu'après le coup de fil de Michaël, il avait appelé la Protection Territoriale. Une police au-dessus des polices, chargée notamment de démanteler des réseaux. Des sortes de services secrets khmers...! Cette police aurait aussitôt contacté l'agence de location ainsi que notre cher chauffeur. Ce qui a donc dû produire son petit effet aussi...!
Monsieur Chheng a même envisagé de demander à geler le réseau de vente de matériel informatique d'occasion pour aider à retrouver notre matériel...! Il nous a enfin parlé d'un trafic de vols de ce type ayant cours dans des agences de locations de voiture. Lyna Car Rental pourrait bien faire partie de l'une d'elles ! Ainsi aurions-nous, grâce à
Funan, démantelé un réseau ?
Nous n'avons pas eu de nouvelles depuis, il semblerait que l'agence existe toujours. Quant à Canon...! Difficile de savoir comment ce type a pu finir. Nous ne le remercions pas en tout cas. Sa responsabilité dans cette affaire est certaine. Et l'agence, si elle n'est pas responsable, reste en tout cas incompétente et peu digne de confiance.
Les chances de retrouver ce type de matériel, intact, dans un pays comme le Cambodge... étaient quasi nulles. Nous avons eu une chance inouïe. A moins que ce ne soit un signe quasi
divin de la nécessité absolue de continuer et de finir ce film !
« Par l’évolution des actes, celui qui dépouille est dépouillé à son tour. »
(Bouddha)